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La ligne de démarcation

Le bus avance tout doucement. Faire attention. Rester discret. Ne pas éveiller les soupçons. Presque arrivés, presque au bout. La frontière est proche. Allons, doucement. Nous sommes tous tendus, nerveux, presque terrifiés. Comme des condamnés à mort qui attendent de s'évader. Allons, passons la frontière.

Le chauffeur regarde au loin. Voit un groupe de soldats Allemands. Panique.

Mal au ventre. Comme un coup de couteau dedans. La peur qui gargouille. Vomir. Trop envie de vomir.

 

Une poignée de soldats Allemands pointent leurs fusils vers le

bus. L'arrête en se mettant devant. Un soldat pose son doigt sur

la gâchette de son arme. Vise le chauffeur. Un autre lui demande

d'ouvrir la porte du bus. Crie : « Schnell ! » La pression monte.

 

Des frissons. La peau tremble. Les membres presque paralysés.

La sueur sous les vêtements. Le front qui pleure. La bouche sèche.

Respirer quand même. Allez.

 

Un deuxième groupe de soldats entre dans le bus. Les bottes cognent le sol comme des tirs de sommation. Un gradé demande le silence. « Sortez papiers bitte ! Schnell, messieurs, mesdames. Schnell ! »

 

Comme si le corps sautait en parachute et en bas on ne sait pas, en bas, quelle chute ? Sur l'herbe ou dans les balles ? On ne sait pas. Allez.

 

Le chauffeur n'a pas de papiers. Un soldat, regard de hyène, le fait descendre, « komme, bitte ». Il lui transperce la tête. Une balle de fusil traverse son crâne. Le sang jaillit d'entre ses yeux. Dans le bus, ceux et celles qui sont juifs, s'enfuient, retiennent la panique.

Faut pas. S'agiter. Crier. Faut pas. Rien montrer. Trembler seulement à l'intérieur.

 

Les Allemands vérifient les deux soutes à bagages puis les referment. Les portes claquent. Comme une foudre de métal. Ismaël attend que les Allemands s'éloignent des soutes à bagages, ensuite il ouvre la trappe pour y descendre mais ne peut pas savoir ce qu'il va se passer après.

 

Maintenant son seul bagage c'est la peur, c'est l'angoisse. Comme un bagnard soudain dans un trou. Comme enfermé dans la pierre. Comme en train de respirer dans la terre. Mal. Est-ce que les boyaux s'échappent quand la peur pousse dessus ?

 

Des passagers se font contrôler à l'extérieur du bus. Plus personne à l'intérieur. Chacun leur tour, ils présentent leurs papiers (parfois des faux). Dans le bus vide, les soldats ont regardé sur les sièges, fouillé les manteaux, les sacs, pris les objets de valeur. Sans respect. Aucun.

 

Tristesse profonde comme le dessous d'un océan. Haine comme une éruption volcanique un matin calme. Envie de tuer en frappant. La vengeance des poings sur la figure jusqu'au dernier souffle.

 

En trente minutes, le bus est dépouillé. Cela ressemble à une carcasse d'un être vivant mort de balles allemandes. Plusieurs heures se sont maintenant écoulées. Nos amis juifs toujours coincés dans les soutes à bagages. C'est comme des animaux élevés pour être tués. La chaleur imposante, lourde à supporter sous cette pression allemande. Un silence règne. Ils sont tous entassés, les uns sur les autres. La mort d'un juif succèdera à celle du chauffeur. Ismaël veut s'enfuir une fois le bus contrôlé. L’odeur de l’essence est présente. L'odeur est si atroce qu'on dirait qu'un tas de cadavres était présent. En effet, les allemands ont posé de l’essence sur le bus pour le brûler.

Ismaël stresse. Il a le cœur presque mort et tout son corps paralysé. Il voit tous ses bons moments défiler et enfin disparaître devant lui. C'est la fin....

Le bus est brûlé. Peu de temps après, plus aucun bruit : le silence règne malgré le bruit des braises encore allumées. A côté, les corps d'Ismaël et de ses camarades.

Logan, Mario, Mathis, Hugo

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